Maison Internationale des Langues et Cultures (35, rue Raulin, Lyon), Université Lumière Lyon 2
Ce colloque international étudie, parmi les œuvres marginalisées par l’historiographie du cinéma traditionnelle, celles qui relèvent à la fois d’une position à la lisière entre des cultures différentes, d’une proposition formelle particulièrement percutante et d’une singularité qui résiste à la construction du récit historique. Ces œuvres, apparemment anachroniques (ou « anatopiques »), montrent la pluralité des possibilités artistiques qui s’expriment à une époque donnée et la manière dont le récit critique puis historiographique tend à les ramener à une histoire, par exemple stylistique ou nationale, qui les exclut ou les marginalise en ce qu’elles seraient minoritaires, ou constitueraient de simples négations d’un modèle dominant. Si « la marge, c’est ce qui tient les pages ensemble » (Jean-Luc Godard), la masse critique de ces « exceptions » permettra la réécriture de l’histoire du cinéma. Seule une histoire des formes filmiques centrée sur l’inventivité esthétique mais attentive aux questions interculturelles et géopolitiques semble en effet à même de rendre compte de ces œuvres. Une vingtaine d’intervenants se penchera sur l’étude d’œuvres qui répondent aux trois critères suivants :
- elles sont marginalisées par les récits historiques dominants, pour des raisons extérieures (économiques, géopolitiques, culturelles, stylistiques) à leurs qualités intrinsèques : elles sont souvent absentes d’une histoire générale ou confinées dans une histoire spécialisée (histoire de l’avant-garde, histoire d’une production nationale, histoire d’un genre) ;
- ce sont des œuvres « limites » qui relèvent d’une dialectique interculturelle à l’échelle d’un pays ou des rapports internationaux ou intercontinentaux ;
- elles ont une forte inventivité formelle dont il s’agira de comprendre en quoi leur productivité esthétique relève du débordement volontaire ou involontaire des partages culturels établis.
PROGRAMME DÉTAILLÉ
Mercredi 2 novembre
18h : Projection de La Chasse au lion à l’arc (Jean Rouch, 1958-65), en collaboration avec l’association étudiante Les Kinoks (Département Arts du spectacle, de l’image et de l’écran) – Grand Amphi, Université Lumière Lyon 2, 18 Quai Claude Bernard, 69007 Lyon
Jeudi 3 novembre
Matin
9h15 Accueil
9h40 Ouverture
Jim Walker (Vice-Président du Conseil d’Administration et en charge des relations internationales, Université Lyon 2)
Bérénice Hamidi-Kim (directrice Passages XX-XXI)
Rémi Fontanel (directeur du département Arts du Spectacle, de l’Image et de l’Ecran)
10h20 Introduction : Dario Marchiori (Lyon 2)
Panel 1 (11h-12h20)
Modérateur : Rémi Fontanel
Alice Leroy (Paris Est) : « Symbiopsychotaxiplasm Take One de William Greaves, chef-d’oeuvre méconnu de l’avant-garde new-yorkaise » Plus
Qui se souvient aujourd’hui de William Greaves et de Symbiopsychotaxiplasm Take One ? Cette communication cherchera d’une part à restituer cette œuvre dans le paysage politique et artistique de l’époque, et d’autre part à appréhender l’arrière-plan historique du film au prisme de sa forme éclatée, de la posture contestée de son réalisateur, des thèmes de la différence et de la marginalité qui font obstinément retour dans toutes les strates du récit pour mieux en miner la cohérence. A la lumière de ces interrogations, on tentera de comprendre pourquoi Symbiopsychotaxiplasm Take One est resté presque invisible pendant près de quarante ans.
Alice Leroy est docteure en études visuelles. Sa thèse, « Le corps utopique au cinéma. Transparence, réversibilité, hybridité », s’intéresse aux relations entre sciences et esthétique à travers les imaginaires du corps au cinéma. Elle enseigne à Paris VII et à l’EHESS. Ses recherches actuelles portent sur une épistémologie de la connaissance sensible à travers les croisements entre sciences et arts.
Lúcia Ramos Monteiro (São Paulo) : « ‘Récits de dissolution’ : problèmes contemporains pour le concept de cinématographie nationale » Plus
Lucia Ramos Monteiro est enseignante et chercheuse à l’École de communication et d’arts de l’Université de Sao Paulo. Elle a réalisé une thèse de doctorat en Études cinématographiques à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, en cotutelle avec l’Université de Sao Paulo.
Après-midi
Panel 2 (14h-16h)
Modérateur : Martin Barnier
Jessie Martin (Lille 3) : « La Rivière Fuefuki (Kinoshita, 1960), un film ignoré, à la lisière des esthétiques chromatiques primitives et modernes » Plus
En 1960, Keisuke Kinoshita tourne La Rivière Fuefuki, une œuvre originale pour sa couleur, peu commentée dans les revues et les travaux universitaires. Le film s’inscrit à la lisière entre des pratiques chromatiques relevant des techniques passées et à venir ; entre des traditions artistiques japonaise et occidentale ; et entre deux moments de l’histoire du cinéma japonais. L’analyse de ce réseau référentiel interculturel peut expliquer le silence sur le film et éclairer la place de la couleur dans la fiction et ses enjeux dans la représentation.
Jessie Martin est maître de conférences en Etudes cinématographiques à l’université Lille SHS, elle est l’auteur de Vertige de la description. L’analyse de films en question (Forum/ Aléas, 2011), Décrire le film de cinéma. Au départ de l’analyse (PSN, 2011) et Le Cinéma en couleurs (A. Colin, 2013). Ses recherches portent sur la couleur au cinéma et sur la fabrique des images.
Marie Pruvost-Delaspre (Paris 3) : « Le Serpent blanc, un film étranger à son propre pays ? » Plus
Le Serpent blanc, film d’animation réalisé en 1958 au sein du studio Tôei par Taiji Yabushita, n’est pas mentionné dans les ouvrages portant sur l’histoire du cinéma au Japon, malgré son statut propice de premier long métrage animé japonais en couleur. Si cette absence peut être imputée à la marginalisation de l’animation dans l’histoire du cinéma en général, la forme du film lui-même, dans son originalité et son invention, résiste aussi fondamentalement à son intégration dans le récit historique, surtout quand celui-ci prend la forme d’une conception téléologique de la progression des formes. Il s’agira donc de discuter ces résistances qui travaillent le film, en faisant un objet impossible à classer, étranger à son propre lieu de production.
Après un contrat d’ATER au département Cinéma et Audiovisuel de l’université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, Marie Pruvost-Delaspre enseigne en tant que vacataire dans cette même université, où ses cours portent autant sur l’économie, la théorie et l’histoire du cinéma que sur l’animation. Elle est l’auteur d’une thèse, soutenue en 2014 sous la direction de Laurent Creton, sur l’histoire de la production animée du studio Tôei, et de plusieurs articles sur l’animation et le cinéma japonais.
Frédéric Monvoisin (Paris 3) : « Hybridité transculturelle du cinéma japonais » Plus
Dans cette communication, nous reviendrons sur l’apparition du cinéma au Japon et la dichotomie existant entre les films venant d’occident nommés eiga (映画) et les films de production locale, katsudo shashin (活動写真), pour voir la manière dont ces deux formes se sont mélangées durant les années 20 en une forme hybride, pour aboutir à ce que nous nommons aujourd’hui le cinéma japonais. Hybridité persistante que nous identifierons par le biais d’exemples canoniques, amenant depuis, les cinéastes à tendre vers l’une ou l’autre de ces conceptions, sans que l’autre ne s’estompe complètement.
Frédéric Monvoisin est docteur en cinéma, chercheur associé à l’Ircav et enseignant à l’université Paris 3. Il a effectué un postdoctorat de recherche au Centre de recherches international en études japonaises de Kyoto. Spécialiste des cinémas d’Asie, il a participé au Dictionnaire mondial du cinéma (Larousse) et est l’auteur de deux livres : l’un d’analyse revisitant les cinémas d’Asie (Cinémas d’Asie, analyse géopolitique, Presses Universitaires de Rennes), l’autre retraçant leurs 120 ans d’histoire (Cinémas d’Asie, D’hier et d’aujourd’hui, Armand Colin).
Pause
Panel 3 (16h10-16h50)
Modératrice : Jessie Martin
Amandine D’Azevedo (Paris 3) : « Les illustres inconnus du cinéma bengali, Ritwik Ghatak et Rituparno Ghosh » Plus
Ritwik Ghatak et Rituparno Ghosh sont des cinéastes dont l’œuvre formelle se métisse de références occidentales tout autant que de la prégnance d’une culture traditionnelle et mythologique. Cette façon d’osciller entre le mythique, le politique et le personnel est, chez les deux réalisateurs, liée à une mise en scène de l’espace naturel et du huis-clos théâtral. Cette tension entre le dehors et le dedans, entre l’identité et le territoire, tisse alors une autre filiation, bien au-delà de l’étiquette de cinéastes bengalis.
Docteur de la Sorbonne Nouvelle après un contrat doctoral, Amandine D’Azevedo travaille sur les cinématographies indiennes. Sa thèse porte sur la résurgence des motifs mythologiques dans le cinéma hindi contemporain. ATER puis chargée de cours à la Sorbonne Nouvelle, elle est membre fondateur du groupe de recherche Les Cinémas indiens. Elle a co-dirigé l’ouvrage In/dépendance des cinémas indiens (Presses Sorbonne Nouvelle, 2016).
Pause
Projection (17h-19h)
Vendredi 4 novembre
10h Accueil
Panel 4 (10h30-12h30)
Modérateur : Dario Marchiori
Éric Thouvenel (Rennes 2) : « De l’incidence des étiquettes, ou la double peine du cinéma expérimental » Plus
En se positionnant eux-mêmes en dehors de l’industrie, contre les usages dominants des images et au cœur des enjeux théoriques liés à l’existence du cinéma comme art et comme dispositif technique, les cinéastes dits « expérimentaux » se sont vu assigner, dans l’histoire des formes cinématographiques, une place inconfortable, et sans doute dommageable pour les artistes comme pour la compréhension de leur travail.
Cette communication se donnera pour objet d’évaluer la « double peine » du cinéma expérimental, en s’attachant d’une part à interroger la réception de films qui ont été d’emblée considérés comme « expérimentaux » en raison du parcours de leurs auteurs ; et d’autre part en considérant le cas de films dont certaines libertés prises avec les Canons du récit cinématographique ont pu conduire à les qualifier hâtivement d’ « expérimentaux ». On tâchera ainsi de mettre en évidence, à partir de ce cas d’étude, le poids des constructions discursives et des stratégies institutionnelles dans la réception des films comme relevant du « centre » ou de la « marge », à une époque où peut-être la liberté formelle n’a jamais été si grande mais où, paradoxalement, le désir ou le besoin de classifier les images n’a jamais été si fort.Éric Thouvenel est maître de conférences en études cinématographiques à l’Université Rennes 2. Ses recherches portent sur le cinéma expérimental, sur la pensée de Gaston Bachelard, et plus largement sur des questions d’esthétique et de théorie du cinéma et de la télévision.
Roxane Hamery (Rennes 2) : « Le cinéma scientifique : retour sur une construction historiographique » Plus
L’historiographie du cinéma scientifique rend compte d’un paradoxe : celui-ci n’a en effet cessé d’alimenter les écrits (esthétiques, théoriques) sur le cinéma, des premiers temps aux travaux les plus actuels, sans pour autant que soit connue son histoire générale qui reste très peu documentée (celle des films, des réalisateurs, des techniciens, des appareillages, des contextes et réseaux de production ou de diffusion des images, etc.), ni que lui soit concédée une place autre que très marginale dans les études cinématographiques. Il s’agira dans cette communication de revenir sur la construction historiographique du cinéma scientifique afin de montrer comment s’y exercent des tensions entre art et science, technique et esthétique.
Roxane Hamery est maître de conférences en études cinématographiques à l’université Rennes 2. Ses recherches portent notamment sur le cinéma scientifique. Elle a consacré un ouvrage monographique à Jean Painlevé (PUR, 2009) et publié plusieurs articles sur cette question (dans les revues 1895, Montage A/V, Alliage). Elle travaille par ailleurs sur l’histoire des réseaux de diffusion culturels du cinéma (ciné-clubs…) et particulièrement sur les relations entre jeunesse et cinéma. Elle vient d’achever un ouvrage intitulé Ténèbres empoisonnées ? Cinéma, jeunesse et délinquance de 1945 aux années 1960, dont la parution est prévue en 2017.
Benjamin Labé (Lyon 2) : « Approche stylistique des marges génériques : modèles documentaires et invention formelle » Plus
La communication se propose d’aborder l’invention esthétique des marges à partir de la question du style, notamment sur le versant de la tension entre collectif et individuel. Cette question est posée d’une part à certains faux documentaires en tant que fictions non narratives, d’autre part au cas des fictions relevant d’un réalisme stylistique pseudo-documentaire apparemment normatif, mais dont certaines figures usuelles se trouvent revitalisées et détournées par les spécificités des films.
Benjamin Labé est maître de conférences en cinéma à Lyon 2, où il enseigne principalement l’analyse et l’esthétique (dernière publication : « Variations formelles de l’émotion : exprimée, dispersée, figurée », in Penser les émotions, M. Barnier, I. Le Corff, N. Moussaoui, L’Harmattan, 2016).
Pause repas
Panel 5 (14h-16h)
Modérateurs : Éric Thouvenel
Philippe Roger (Lyon 2) : « Les enfants de Terre sans pain » Plus
Parmi les critères pertinents pour déterminer la puissance esthétique d’une œuvre cinématographique singulière, on proposera celui de la capacité à en faire naître de nouvelles. Le premier critère esthétique pour apprécier la force d’un essai atypique ne serait-il pas son pouvoir de fécondation ? Le rayonnement d’une telle œuvre pourrait se mesurer par l’effet direct de sa plénitude esthétique sur d’autres œuvres. On esquissera un inventaire provisoire et nécessairement incomplet des rejetons sauvages de l’apatride Terre sans pain, le documentaire de Luis Buñuel (1933-1936).
Philippe Roger est maître de conférences en études cinématographiques à l’Université Lumière Lyon 2. Il est l’auteur d’ouvrages d’analyse de film. Critique à la revue Jeune cinéma, il réalise des films documentaires tournant autour des motifs de la trace et de la mémoire, ainsi que des filmanalyses.
Massimo Olivero (Paris 3) : « Figures de la plasticité destructrice : Bressane, De Bernardi, Naderi » Plus
A partir du constat que toute société marginalise certaines figures « du circuit de travail », du « système familial » et de la « production des symboles », il s’agira de retrouver les figures qui incarnent le rôle du fou de cette même société dans les films de trois cinéastes à la marge de toutes les histoires du cinéma : Julio Bressane, Amir Naderi et Tonino De Bernardi. Nous nous concentrerons sur les moments de leur travail où se manifeste l’action destructrice de la folie non seulement à travers leurs protagonistes principaux, mais également au niveau de leur représentation formelle. A cet effet, nous utiliserons le concept de « plasticité destructrice » (C. Malabou) non pas cloisonné à son champs conceptuel d’origine, c’est à dire la neurologie contemporaine, mais élargit à la problématique de la représentation des formes artistiques qui manifestent plastiquement « la destruction de la subjectivité » et marquent de fait le constat d’indifférence à la vie qui se produit chez les « survivants des traumatismes, qu’ils soient biologiques ou politiques ». La plasticité destructrice devient alors le concept le plus à même d’expliquer toute forme capable de figurer l’altérité, la transformation violente et sans rédemption dans le « totalement autre ».
Massimo Olivero est docteur en études cinématographiques à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris III, avec une thèse, sous la direction de Jean-Loup Bourget, sur le concept d’extase chez Sergueï Eisenstein en relation avec le cinéma classique hollywoodien (Welles, Vidor, Sternberg). Ses travaux portent sur l’esthétique de la mimesis et ses limites, sur la représentation des émotions, l’histoire et la théorie des formes filmiques (montage, gros plan…), la pensée du figural et de la plasticité, les avant-gardes historiques, l’Underground américain et italien.
Damien Marguet (Paris 3) : « Les yeux ne veulent pas en tout temps se fermer ou Peut-être qu’un jour Rome se permettra de choisir à son tour de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub : de la littérature au cinéma, la traduction comme forme mineure » Plus
Danièle Huillet et Jean-Marie Straub ont fait de la traduction littérale un principe de recherche et de création en littérature et en cinéma. À partir d’une analyse de leur travail sur la pièce de Corneille Othon, j’interrogerai le caractère mineur et subversif de cette approche traductive. Parce qu’elle récuse l’opposition entre identité et altérité en faisant apparaître des processus d’altération continus et généralisés, l’activité de traduction semble en effet condamnée au secret et au refoulement…
Auteur d’une thèse en études cinématographiques intitulée « “Traduire en images” ? Poétiques du film et de la lettre chez Pier Paolo Pasolini, Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, et Béla Tarr », Damien Marguet est membre de l’IRCAV et chargé d’enseignement au sein de l’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle.
Pause
Panel 6 (16h10-17h30)
Modératrice : Roxane Hamery
Nikol Dziub (Haute-Alsace) : « Censure soviétique et marginalité interculturelle : la réception des cinémas géorgien et ukrainien en Europe de l’Ouest et aux États-Unis » Plus
Les cinémas ukrainien et caucasien de l’époque soviétique sont presque systématiquement inclus par la critique dans la catégorie « cinéma russe ». Pourtant, dans les lisières de l’URSS se développe un cinéma « poétique ». Si la censure moscovite « centrale » ne peut contrôler la production cinématographique, elle peut en contrôler les produits. Aussi les réalisateurs ukrainiens et caucasiens doivent-ils développer des stratégies « poétiques » pour pouvoir représenter ces objets « marginaux » que sont les folklores.
Diplômée de l’ENS de Lyon, Nikol Dziub est docteure en littérature comparée. Depuis septembre 2016, elle bénéficie de la bourse postdoctorale de la « Chaire Nizami Gandjavi de l’Université de Haute-Alsace ». Elle enseigne la littérature comparée et l’histoire littéraire à l’UHA et elle est l’auteure d’une vingtaine d’articles.
Francisco Ferreira (Poitiers) : « Haut les mains ! de Jerzy Skolimowski : 1967-1981 ou l’impossible collure » Plus
Réalisé en 1967, Haut les mains ! constitue une provocation esthétique et politique que la censure polonaise interdit immédiatement. Skolimowski quitte alors son pays pour entamer une carrière précaire en Europe de l’Ouest. En 1981, l’occasion lui est donnée de présenter à nouveau son film en Pologne : il décide de l’amputer d’une quinzaine de minutes pour y introduire un prologue revenant sur ses années d’exil et répondant aux censeurs de l’époque. Nous analyserons comment cette récriture reporte sur la matière filmique même le processus d’acculturation dont le cinéaste a fait l’expérience entre les deux tournages.
Francisco Ferreira est maître de conférences en Études cinématographiques et en Littérature comparée à l’Université de Poitiers. Dans la continuité de sa thèse de doctorat (« De Godard à Faulkner : l’hypothèse scripturale »), son enseignement et sa recherche sont consacrés aux relations entre l’écriture et le montage, aux formes de la reprise, aux figures de la disjonction et au détail.
20h30 Projection de Lettre à la prison (Marc Scialom, 1969-70/2009) en présence du cinéaste – Cinéma La Fourmi (68, rue Pierre Corneille, 69003 Lyon)
Samedi 5 novembre
9h Accueil
Panel 7 (9h30-10h50)
Modératrice : Sonia Kerfa
Marie Pierre-Bouthier (Paris 1) : « ‘Halaqat nord-africaines’ : une autre histoire du cinéma maghrébin » Plus
Les courts-métrages Mémoire 14 (Ahmed BOUANANI, Maroc, 1971) et Mohammadia (Ahmed BENNYS, Tunisie, 1974) ont pour parenté d’intégrer des archives coloniales à une adaptation cinématographique des procédés de l’oralité populaire maghrébine. Pour quelles raisons ces œuvres hybrides, à la fois poésies, contes et documentaires, restées uniques en leur genre, ont-elles été marginalisée ? Trente ans plus tard, Ali ESSAFI, documentariste marocain né en 1963, rend justice à la productivité esthétique de ces propositions dans un projet baptisé « Halaqat nord-africaines ».
Diplômée de l’ENS en Cinéma et Etudes Arabes, Marie Pierre-Bouthier est doctorante en cinéma sous la direction de S. Lindeperg à Paris I Panthéon-Sorbonne. Ses recherches portent sur le documentaire marocain et tunisien alternatif depuis 1960, et particulièrement sur l’œuvre de Ahmed Bouanani.
Robert Bonamy (Grenoble-Alpes) : « Ni dans ni hors : les films de Ghassan Salhab » Plus
Les films libanais de Ghassan Salhab seront étudiés selon leurs puissances filmiques articulées à un soulèvement de l’inattendu des attendus culturels, communautaires et historiques du Liban. Une pensée de la marge concerne tout autant ses essais (Posthume [2007]) que ses longs métrages de fiction (de Beyrouth fantôme [1998] à La Vallée [2016]), selon une dialectique entre images menacées et images menaçantes qui permet d’appréhender un état des choses au Liban : la guerre, les réfugiés, des conflits, à travers un usage singulier de la surimpression visuelle et de la périphérie sonore.
Robert Bonamy est Maître de conférences en études cinématographiques à l’Université Grenoble Alpes, l’UMR 5316 Litt&Arts. Ses ouvrages et articles les plus récents concernent les films de Tariq Teguia, Sharunas Bartas, Mati Diop ou encore Roberto Rossellini.
Pause
Panel 8 (11h-12h20)
Modératrice : Magali Kabous
Anaïs Farine (Paris 3) : « Al-Yazerli, Kais Al-Zubaidi (Syrie, 1974) : retour sur un ‘cinéma alternatif’ » Plus
Al-Yazerli, film interdit dès sa sortie et seul long-métrage de fiction du réalisateur Kais Al-Zubaidi, est né dans le contexte de la recherche d’un « cinéma arabe alternatif ». En analysant notamment les propos des réalisateurs réunis lors du Festival des jeunes cinéastes arabes (Damas) publiés dans la revue libanaise Al-Tarik en 1972 et le travail de montage effectué par Kais Al-Zubaidi lorsqu’il a collaboré avec les réalisateurs Omar Amiralay, Christian Ghazi et Maroun Baghdadi, nous rendrons compte de l’inventivité formelle propre à ce film oublié, tout en montrant de quelle manière celle-ci s’inscrit dans un contexte esthétique et politique national, régional et international.
Anaïs Farine est doctorante, chargée de cours à l’Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle et programmatrice de films. Ses recherches portent sur les diverses formes à travers lesquelles se manifeste l’imaginaire du « dialogue euro-méditerranéen » dans le domaine cinématographique.
Marco Dalla Gassa (Ca’ Foscari, Venise), Stefano Pellò (Ca’ Foscari, Venise) : « Where is the friend’s home door ? Usability thresholds, popular horizons and rhizomaticity in Iranian cinema for export » Plus
In the language of classical Persian poetry, the “threshold” (āstāna) is a metaphorical liminal place which marks the inaccessibility of the mobile horizon represented by the object of an endless quest. A closed door, a house not to be found or an impassable stretch of road, the threshold flags, at the same time, the paradoxical necessity of the research itself, multiplied through obsessive acts of unveiling and the contextual awareness of the existence of infinite other layers to be unveiled. The stereotypical image of the limit, of the margin, of the place of passage which becomes a place of stay (the lover living on the beloved threshold, for instance) is explored by the pre-modern Persian rhetorical world through recursive processes of conceptual creativity based on the capability to make reference, by unexpected new connections – properly “rhizomatic” to use Deleuze and Guattari’s expression – to the repertoire provided by tradition. In contemporary Iran, the metaphorical field of the threshold, with its classical connections (including of course the few Persian authors known in the West such as Hafez and Rumi), is easily part of a diffused and shared aesthetic education, employed in academic literary criticism as well as in folk Shia devotion, and in all the intermediate “thousand plateaus”, including contemporary Iranian “pop”. Against this background, it is interesting to observe that the threshold (or the margin), a symbolic as much as pragmatic figure already explored in its porous and undetermined sense in the homonymous work by Génette, provides an array of different accesses to the circuits of meaning. We think in particular of those forms of expression as cinema, which are based on a universal figurative-visual power but which, at the same time, in view of their popularity at every latitude and social space, provide specific modes of reception and peculiar hermeneutic horizons, especially when places, times, and modalities of vision change. A good example is made by certain poetic references in Abbas Kiarostami’s movies (e.g. Sohrab Sepehri quoted in Where is the friend’s home? or Forugh Farrokhzad quoted in The wind will carry us) which contribute to make him, at least at the international level, a cultured, elite film-maker (thus eligible to be part of exclusive distribution chains, such as those of essai movies, museums or contemporary art Biennals), while those very references are also part of a shared and widespread popular culture. In such a context of productive misunderstandings, we aim at developing, in our paper, an alternative approach to Hamid Naficy’s “accented cinema” theory, where to be “accented” – i.e. endowed with a recognizable identitarian “inflection” – are not so much, upstream, the movies or their directors but, downstream, their various possible audiences. We are going to explore, in other words, a rhizomatic multiplication of accesses, thresholds and borders, continuously crossed and yet uncrossable, easily passable and yet unattainable, which find their visual “outpouring” in the incessant reproposal of doors, entrances, gaps, openings and passes.
Stefano Pellò (Ph.D. from “La Sapienza” University of Rome, 2006) is associate professor of Persian Literature and Indo-Persian studies at the “Ca’ Foscari” University of Venice, ad has been visiting professor at the School of Oriental and African Studies of London and at the Columbia University of New York. Currently, his main research area is the diffusion and reception of Persian literary culture in the Eurasian space, and the related cosmopolitan processes of religious, philosophical and aesthetic interactions, particularly in the poetic sphere. He is also the author of several contributions dealing with classical Persian poetry, and works as a literary translator. Among his main publications are Tutiyan-i Hind. Specchi identitari e proiezioni cosmopolite indo-persiane (1680-1856) on the textual space of Hindu Persian poets in and around Indo-Persian tazkiras (Florence, Società Editrice Fiorentina, 2012), an enlarged and revised English version of which is forthcoming, and the first Italian complete annotated translation of the Divan of Hafez of Shiraz (Hafez, Canzoniere, Milan, Ariele, 2005). He has recently edited a volume about borders and thresholds (Borders : itineraries on the edges of Iran (Venice, Ca’ Foscari University Press, 2016).
Marco Dalla Gassa (PhD from “Ca’ Foscari” University of Venice, 2014) is a film scholar focusing his studies on Asian cinema, orientalism, cinematic representation of cultural differences, theory of film and film literacy. He has taught as Adjunct Professor of Film Studies at the Universities of Turin, Trieste and Rome (Lumsa). At present he teaches « Cinema History and Criticism », « History of European Cinema » and « Analysis of Visual Language » at the Ca’ Foscari University of Venice. He has written several essays and reviews published in academic journals, film magazines and curatorships. His principal works are two monographs about the directors Abbas Kiarostami (Recco, Le Mani, 2001) and Zhang Yimou (Recco, Le Mani, 2003, co-author Fabrizio Colamartino), a volume on contemporary Far East cinema (Il cinema dell’Estremo Oriente, Turin, Utet, 2010, co-author Dario Tomasi), a film analysis of Kurosawa’s masterpiece Rashōmon (Turin, Lindau, 2012) and a dissertation about the function of « author », and its transformations, in modernist odeporic cinema (Orient (to) Express, Milan, Mimesis, 2016). He is curator along with Federico Zecca, of the section Orients/Occidents of the academic review Cinergie – Cinema and other Arts.
Pause repas
Panel 9 (14h-15h20)
Modérateur : Luc Vancheri
Raquel Schefer (Paris 3) : « The Laughing Alligator de Juan Downey : devenir-Yanomami » Plus
Cette communication examine comment The Laughing Alligator (1979), filmé par Juan Downey avec les Indiens Yanomami de la forêt amazonienne du Venezuela, articule « marginalité esthétique » et « marginalité culturelle ». Ce film se déplace dans les marges : dans un entre-deux entre l’anthropologie visuelle et l’art vidéo, il trace des lignes de fuite entre les oppositions culturelles binaires sur lesquelles s’est historiquement construite la modernité occidentale. Il témoigne d’une inventivité formelle et d’un modèle de subjectivité qui déborde l’anthropologie visuelle et instaure les problématiques conceptuelles de l’autoportrait dans ce domaine disciplinaire.
Raquel Schefer est chercheuse et cinéaste. Docteur en Études cinématographiques et audiovisuelles de l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, Raquel est ATER en Études cinématographiques à l’Université Grenoble Alpes. Elle a publié l’ouvrage El Autorretrato en el Documental (2008) en Argentine. Elle est co-éditrice de la revue de cinéma La Furia Umana.
Daniela Ricci (Lyon 3) : « Inventivité formelle, résistance et nouveaux possibles dans trois films postcoloniaux : Child of Resistance, Allah Tantou et Juju Factory » Plus
Cette communication analyse l’accent (Naficy) de films tels Child of Resistance (Haile Gerima, 1973) Allah Tantou (David Achkar, 1992) et Juju Factory (Balufu Bakupa-Kanyinda, 2005). Ces fictions illustrent, tant dans le contenu que dans la forme, les parcours personnels et collectifs de leurs réalisateurs, à la lisière entre diverses cultures et historicités. Je veux explorer comment la recherche esthétique de formes susceptibles de dire l’intolérable et l’indicible devient une forme de résistance.
Daniela Ricci enseigne le cinéma à l’Université de Nanterre et collabore avec divers festivals de films. Elle est auteur de plusieurs articles sur l’hybridité culturelle et esthétique dans les films d’Afrique, du livre Cinémas des diasporas noires : esthétiques de la reconstruction (L’Harmattan, 2016) et du documentaire Imaginaires en exil (2013).
Pause
15h30-16h Discussion finale et Clôture
Pour plus d’informations : Dario.Marchiori@univ-lyon2.fr ; Nedjma.Moussaoui@univ-lyon2.fr.
Comité Scientifique :
- Dudley Andrew (Professeur Cinéma, Yale)
- Teresa Castro (MCF Cinéma, Paris 3)
- Magali Kabous (MCF Espagnol, Lyon 2)
- Sonia Kerfa (MCF Espagnol, Lyon 2)
- Dario Marchiori (MCF Cinéma, Lyon 2)
- Nedjma Moussaoui (MCF Cinéma, Lyon 2)
- Kathleen Newman (Professeur Cinéma, Iowa)
- Federico Rossin (programmateur, Italie-France)
Comité d’organisation : Sonia Kerfa (MCF, Lyon 2), Dario Marchiori (MCF, Lyon 2), Nedjma Moussaoui (MCF, Lyon 2)
